Gordes, samedi 28 novembe 2012
Récital de la mezzo Ninon Dann et de la pianiste Caroline
Oliveros
Grand vent de bonheur
sur la salle Simiane
Les violentes bourrasques d’un
vent d’automne soudainement glacial, n’ont pas découragé les amateurs de bel canto venus écouter le récital de la
soprano Ninon Dann, sous les poutres apparentes de la salle Simiane, au dernier étage de la mairie de Gordes. Le
charme a opéré dès les premiers mots de la mélodie d’Henri Duparc « Mon enfant, ma sœur, songe à
la douceur…» du poème de Baudelaire. Malgré les bruits furieux d’un vent
jaloux, Ninon a captivé l’audience avec sa voix chaude et expressive, capable
de traduire du forte au pianissimo toutes les nuances de cette
Invitation au voyage où « tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et
volupté ». La volupté se poursuivait
avec d’autres mélodies françaises parmi les plus belles dont Ninon Dann en a rendu avec talent la
subtilité avec une apparente facilité. Ce furent les évanescents « Chemins
de l’amour » de Francis Poulenc et Jean Anouilh puis le cri de détresse
d’Érik Satie « Je te veux », un rêve qui veut entraîner loin de toute
tristesse…. Pari réussi. Dans le public, le bonheur était à son comble.
Pour reposer la diva, Caroline
Oliveros a joué seule au piano une partition étincelante de Massenet, Papillons
noirs, Papillons blancs et la Gnossienne n° 1 de Satie dont elle a traduit avec
talent la fascination. Son jeu était tout aussi fluide pour accompagner l’air
des Lettres et celui des Larmes du Werther de Massenet, puis les airs de Dalila
de Saint-Saëns et l’adieu à la vie de Desdémone dans l’Othello de Verdi. Toutes
les nuances du sentiment amoureux et du désespoir devant la trahison étaient
divinement rendues par Ninon Dann qui a su doser la richesse d’un timbre de
voix aussi à l’aise dans le déchaînement des aigus que dans les basses
murmurées… Dans son bis, Carmen nous a mis en garde contre les ruses de
l’enfant de bohême, un rôle qui lui va comme un gant et dans lequel elle
excelle. Ninon Dann : l’étoffe d’une
diva annonçait le concert, ce n’était pas une vaine promesse a reconnu le
public par ses applaudissements !
Ninon Dann a déjà chanté
plusieurs fois à Gordes puisqu’elle a été l’une des lauréates du Quatrième
concours de chant des Saisons de la Voix en 2011. On a pu l’applaudir aussi
concert des « master class » de printemps et au concert de juillet au
théâtre des Terrasses, aux côtés de là grande Mireille Delunsch. Chaque
automne, Les Saisons de la Voix retiennent à leur concours de chant une
quinzaine de jeunes candidats et les cinq lauréats désignés par le jury gagnent
en récompense une classe de maître de trois jours à Gordes, au printemps, avec
Jeff Cohen, compositeur, pianiste et chef de chant. Une expérience de choix qui
les aident à se perfectionner dans leur art.
Cette année, le cinquième
concours 2012 se tient le samedi 3 novembre de 10 h 30 à 18 h 30 Salle Simiane
et Raymond Duffaut, le directeur les Chorégies d’Orange, est le président du
jury. Le concours est ouvert au public, lui donnant l’occasion d’entendre
peut-être, en avant-première, un futur grand nom de la scène lyrique.
À ce propos, un hommage vibrant a
été rendu par le Colonel Clerc représentant la Légion d’Honneur en
Vaucluse, à la présidente des Saisons de la Voix, Monic Cecconi Botella,
compositeur et Premier Grand Prix de Rome, nommée en début d’année Chevalier
dans l’ordre de la Légion d’Honneur. C’est en effet à Monic Cecconi
Botella que revient le mérite
d’aider par son initiative l’émergence et l’entrée dans la carrière de jeunes
talents lyriques. L’hommage était annoncé par Ninon Dann qui a chanté une de
ses mélodies « Devant la porte… » sur un poème de Pierre
Gripari, un moment de fraîcheur inventive entre sourire et larmes. Des larmes
de bonheur.
Lucien Ricaud,
7 novembre 2012,
Dauphiné Libéré Sud
Vaucluse