Les mélodies du bonheur avec Jeff Cohen


En ce début de printemps maussade, un grand vent de bonheur a secoué Gordes pendant le week-end du 1er mai. Les Saisons de la Voix ont offert lundi soir 30 avril à l’Espace Simiane un concert exceptionnel de sept jeunes voix lyriques. Jeff Cohen, le directeur artistique de l’association, venait de consacrer deux après-midi de master class d’interprétation aux sept lauréates du concours « lied et mélodie » avant le concert qui clôture leurs séances de travail. Pour ces jeunes chanteuses, plus que la reconnaissance de leur talent, la master class de Jeff Cohen est l’occasion de développer avec ce maître de l’interprétation leurs performances vocales et artistiques. Pendant deux jours, les lauréates ont travaillé sous les conseils éclairés du maître – des séances que le public pouvait suivre et applaudir. Grâce à lui, les partitions livraient peu à peu leurs secrets, qu’il s’agisse du poète, du compositeur ou de la chanteuse qui s’efforçait d’en rendre toute la beauté cachée.
Autant dire qu’après un tel entraînement, les jeunes chanteuses sont arrivées sur scène, toutes resplendissantes dans leur tenue de soirée, avec une belle assurance malgré le trac inévitable de l’artiste confronté au public. Le programme offrait un large choix de mélodies, de lieder et d’airs d’opéra du 19e et 20e  siècles où chaque interprète avait l’occasion d’affirmer sa personnalité et son agilité musicale. 
On est ainsi passé d’évocations troublantes d’un romantisme fantastique autour de la Nuit, du Rêve et de l’Eau avec S. Barber, R. Strauss, H. Wolf et Schubert à la poésie pure de Verlaine et ses mouvantes imprécisions merveilleusement rendues par Fauré et Debussy. Puis ce fût Poulenc et Aragon dans la sublime mélodie « C » évocatrice de la détresse poignante d’une France coupée en deux par la ligne de démarcation. Après les aériennes vocalises  de la poupée Olympia des Contes d’Hoffman d’Offenbach, quelques héroïnes de légende se sont livrées à de belles  acrobaties lyriques extraites d’airs d’opéras bien connus : la prière de  Desdemone avant sa mort dans Otello de Verdi, les provocations sensuelles de Carmen sur les remparts de Séville dans la Carmen de Bizet et la féérique Titania du Songe d’une Nuit d’été dans Mignon d’Ambroise Thomas. Les mélomanes délicats avaient pu apprécier au passage la nostalgie ibérique des Canciones populares de manuel de Falla. Sous les applaudissements d’un public conquis par la grâce de ces jeunes talents lyriques, le grand livre de la musique s’est refermé doucement sur cette parenthèse de vrai bonheur.

La Damnation d'Hector Berlioz au samedi des Musicales du Luberon


    Au dernier samedi des Musicales du 14 avril 2012, Roger Botella proposait une thème insolite, La Damnation d’Hector Berlioz. L’écoute guidée de La Damnation de Faust (1846) à partir d’éclairages révélateurs de la vie du musicien permet en effet de mieux comprendre l’originalité de ce génie et son art de l’orchestration qui ouvre une voie majeure dans l’histoire de la musique.
    Rien n’a été facile dans la vie de Berlioz, un compositeur prodigieusement doué dont le parcours est semé d’innombrables obstacles. Pour commencer, une famille qui ne croit pas à son don pour la musique, s’oppose à sa vocation et lui annonce l’excommunication dans ce monde et la damnation dans l’autre ! Il en faudra beaucoup plus pour arrêter Berlioz dans sa course. Le goût musical très frileux de son temps n’apprécie pas ses débordements sonores et imaginatifs mais cela ne l’empêche pas de poursuivre son chemin avec la ténacité des grands créateurs. Et son goût de la composition reste intact malgré la maladie bipolaire qui le frappe à seize ans, décrite dans ses mémoires comme une véritable torture et dont les crises douloureuses reviendront le frapper souvent.
    Contre l’adversité, il oppose trois passions fortes. Virgile dont les vers le font pleurer, avant ceux de Goethe, de Shakespeare et des poètes romantiques, notamment Gérard de Nerval, le traducteur du Faust. Il y a aussi la force de la musique et l’agencement  des sonorités de l’orchestre, toujours au premier plan de son esprit inventif. Il y a surtout l’amour, un puissant ressort de son imagination fertile. Berlioz est un grand amoureux, l’homme du coup de foudre qui dure…
    De ces passions mêlées naissent les œuvres majeures de sa vie, dont cette Damnation de Faust, qui n’est pas tout à fait un opéra, mais si belle, si expressive et si bien écrite qu’elle touchera toujours des auditeurs avides d’émotions fortes et pénétrantes .

Enregistrements de référence
les Faust et Méphisto de JOUATTE et CABANEL, FOURNET (1943)
Le Mephisto de PANZERA, COPPOLA (1930)
La Marguerite de HORNE, PRETRE (1969)
Les Faust et Marguerite de TURP et CRESPIN, MONTEUX (1962)

Agenda d'avril 2012

Deux rendez-vous musicaux à ne pas manquer en avril pour ceux qui s'intéressent aux mystères de la voix ou à l'histoire des musiciens et de leurs oeuvres  :

- le vendredi 13 avril à 18 h 30, à la Cave de Sylla à Apt, un Café philo animé par le philosophe Philippe Mengue autour de la phrase de Nietzsche "Sans musique, la vie serait une erreur". La voix sera en vedette avec Monic Cecconi Botella, compositeur, Premier Grand Prix de Rome et présidente des Saisons de la Voix qui lancera le débat sur les sortilèges de la voix suivie par l'orthophoniste Katerine Couzinet qui parlera des liens entre la musique, le corps et la voix. Ariane de Fouquières présentera son livre "Éloge de la Valse" une petite histoire dansante de la musique.
 http://www.cafe-philo.fr/

- le samedi 14 avril à 10 h 30, à la Maison de Dora Maar à Ménerbes, Les musicales du Luberon présentent la conférence musicale de Roger Botella, "La damnation d'Hector Berlioz" qui commentera l'audition de La Damnation de Faust à lumière des mémoires d'Hector Berlioz
www.musicalesluberon.com